Alors que nous sommes tous sidérés de ce que nous avons vu à Paris hier, Martine Delloye, déléguée de la Belgique, nous adresse cet article qui dit tout de la force de l’Espérance.
«Mes amis, je vous écris en cette nuit qui suit la vision apocalyptique de la Cathédrale Notre-Dame de Paris embrasée par les flammes, pour vous dire mon union et mon soutien. Toute la soirée d’hier, j’ai suivi l’événement, consternée, et écouté les intervenants, au cours de l’édition spéciale du journal télévisé de France 2, s’exprimant avec émotion, alors que le drame était en train de se jouer non loin de là.
Comme tout pauvre humain lançant son cri vers le ciel, désemparé et impuissant face à une situation qui le dépasse, je me suis tournée, en tant que catholique profondément attachée à Celui qui a tout donné pour nous, vers le Christ souffrant en ce début de Semaine sainte. Jésus-Christ qui n’a pu rester indifférent au malheureux qui l’appelle et qui répond à son cri en le rejoignant dans sa douleur et en portant sa croix.
En me tournant vers lui, j’ai ressenti l’appel intérieur à la prière, prière communautaire en union à la fois avec mes frères et sœurs en Eglise – particulièrement ceux de LCE qui étaient à Paris, mais aussi avec tous ces hommes et ces femmes, les uns médusés, aux alentours du sinistre, les autres reliés par le câble de la télévision ou par satellite aux quatre coins de la Terre, tous impuissants. Impuissants ? En apparence seulement car, gagnés par une même ferveur, celle de la communion fraternelle et celle de la solidarité, beaucoup s’unissaient par la force de la prière.
J’ai alors prié moi aussi, bien sûr pour que le feu s’éteigne, pour que l’impensable s’arrête, mais aussi pour tous ces courageux, les sapeurs-pompiers de Paris et tous les intervenants désireux d’aider en assurant la sécurité de chacun, tout en sauvant ce qui pouvait être sauvé, reprenant l’expression du père Cédric Burgun qui avait des mots très justes et rassérénants.
J’ai alors senti en moi la nécessité d’interrompre l’émission du direct pour monter puiser un petit Pain de la Parole – que l’on appelle aussi petits Pains bibliques, des petits cartons colorés dans un panier à pain, sur lesquels sont écrits des Paroles de la Sainte Bible. Cette pratique m’est familière et, dans la prière, j’ai demandé à l’Esprit-Saint de me donner une Parole qui puisse éclairer en pareille circonstance.
J’ai reçu cette Parole de St-Luc 22,46 : « Priez pour ne pas entrer en tentation », la phrase prononcée le Jeudi saint par Jésus se rendant au Jardin des Oliviers. J’ai remercié l’Esprit-Saint qui, par cette Parole, donnait plein sens à ce qu’il était en train de se vivre, et me suis remise à prier en me munissant cette fois de mon chapelet LCE et en demandant à Marie, sainte Vierge protectrice de Paris, de la France, et de tous les chrétiens, sa pleine et puissante intercession.
Redescendant pour continuer à suivre l’édition spéciale du J.T., afin de prier tout en restant en lien avec ceux que je voyais, j’aperçus dans la foule filmée, quantité de croyants, les uns munis de leur chapelet, les autres entonnant des chants, unis dans une même prière, celle des enfants du Père qui répondent à Son appel. Et je me suis dit : quelle expérience d’union au Christ blessé, souffrant, martyrisé, nous vivons là en ce début de Semaine sainte. Et en même temps, quel mélange de sentiments : le cri du désespoir, l’appel vers Dieu, le désir que passe loin de tous cette coupe, l’acceptation humble de l’impuissance, la question de la soumission à une autre Volonté, l’obéissance silencieuse et confiante, mêlée à un élan d’espérance, à une envie de croire que tout n’est pas fini, mis à terre, écrasé sous le poids d’une fatalité, d’une bêtise, ou celui du péché !
Oui, cette nuit, j’ai vu une Eglise communiant à son Christ, réellement replongée en cette nuit d’angoisse abominable qu’elle a vécue avec Lui au Jardin des Oliviers.
Je l’ai vue comme une longue, profonde et intense veille, en réparation au sommeil des apôtres, sommeil qui est bien souvent le nôtre, malgré la demande insistante de Jésus : « Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation. »
Cette nuit, j’ai vu un peuple debout, n’abandonnant pas son Dieu, mais acceptant de faire alliance avec Lui. Un peuple qui choisit de porter sa croix, de consoler son frère. Un peuple qui accepte de se laisser rejoindre par son Dieu. Et cela m’a redonné confiance et espérance en l’Eglise de demain !
L’édition spéciale du Journal télévisé s’est terminée par un élan d’espoir suscité par une heureuse nouvelle – enfin – des sapeurs-pompiers : la structure de la cathédrale semblait tenir le coup et ses deux tours résister, suivie de l’annonce d’une décision de rebâtir tous ensemble par un appel aux dons, ce qui avait été démoli ou saccagé.
La Résurrection serait-elle en route ? Oui, certainement, je le crois, je le clame.
Nous sommes en chemin vers Pâques, et la Lumière, c’est pour bientôt !
Il est des flammes qu’il faut éteindre, il en est d’autres que l’on se doit d’entretenir…
Comme à Emmaüs, « reste avec nous, Seigneur, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme. Il entra donc pour rester avec eux. » Luc 24,29
« Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » Ap.3,20
« Au vainqueur, je donnerai un caillou blanc sur lequel est écrit ton nouveau nom que nul ne connaîtra hormis toi. » Cette parole de l’Apocalypse 2,17, nous la prononçons souvent à Lourdes grâce au père Cros et à Gilbert Gafah qui en ont fait un magnifique chant riche de sens, que nous aimons entonner lors de nos célébrations LCE. Un chant de renaissance après les difficultés. Un chant que je fredonne ce soir.
En montant me coucher, les paroles d’un autre chant me reviennent, écrites par Marie-Antoinette Bassieux sur une musique de Jean Humenry :
« Ô Père, je suis ton enfant. J’ai mille preuves que tu m’aimes.
Je veux te louer par mon chant. Le chant de joie de mon baptême.
Comme la maison qu’on bâtit dans le travail et dans la peine,
Tu veux, Seigneur, que tes amis ensemble marchent et puis s’entraident ;
Et qu’ainsi notre foi grandisse par Jésus-Christ qui nous unit.
Ô Père, voici tes enfants formant une seule famille,
Un même esprit les animant. La même foi, la même vie. »
Alors en éteignant la lumière cette nuit, une autre est entrée dans mon cœur : une lumière d’espérance puisque notre Père n’abandonne aucun de ses enfants. Et en m’endormant dans ses bras, je veux le louer par mon chant et redire les paroles de sainte Faustine à la Divine Miséricorde du Seigneur : « Jésus, j’ai confiance en toi. »
Avec beaucoup d’affection, »
Martine Delloye, mardi 16 avril 2019
Merci de tout cœur, Martine.