Question de foi – Méditation sur le thème pastoral 2018 du Sanctuaire : « Faites tout ce qu’Il vous dira »
«Accueillir le silence qui permet d’entendre la parole»
Le prochain pèlerinage LCE permettra de nous mettre à la suite de Bernadette, selon le thème pastoral qui rapporte la parole de Marie aux Noces de Cana : « Faites tout ce qu’Il vous dira. »
Un thème décliné à la lumière du 160e anniversaire des Apparitions de 1858 :
Programme des célébrations eucharistiques :
Le mercredi Avec Bernadette, se mettre en route « Se rendre disponible et accepter de servir »
Le jeudi Avec Bernadette, s’engager avec confiance. « Une source pour tous les pécheurs »
Le vendredi Avec Bernadette, partager.« La joie d’action de grâce »
Le samedi Avec Bernadette, être envoyé. « Devenir porte-lumière et porte-parole »
1 JEAN 3, 14, 16-20
Mes bien-aimés,
parce que nous aimons nos frères,
nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie.
Celui qui n’aime pas
reste dans la mort.
Voici à quoi nous avons reconnu l’amour :
lui, Jésus, a donné sa vie pour nous.
Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères.
Celui qui a de quoi vivre en ce monde,
s’il voit son frère dans le besoin
sans se laisser attendrir,
comment l’amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui ?
Mes enfants,
nous devons aimer :
non pas avec des paroles et des discours,
mais par des actes et en vérité.
En agissant ainsi,
nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité,
et devant Dieu nous aurons le coeur en paix ;
notre coeur aurait beau nous accuser,
Dieu est plus grand que notre coeur,
et il connaît toutes choses.
Après l’année du Magnificat, avec Marie et « l’Espérance qu’on ne se laisse pas voler », le Sanctuaire nous invite à cheminer avec Bernadette. Le Père Michel Pagès, aumônier national de « Lourdes Cancer Espérance », appelle chacun à s’interroger sur les valeurs qui fondent sa vie, et les intentions qui motivent les choix et les engagements, sur sa capacité à « écouter » ce qui vient d’ailleurs que de soi. Et c’est au travers de l’événement de Cana (Jean 2, 1-11) que nous recevons cette consigne de Marie : « Faites tout ce qu’Il vous dira ». Elle qui est là, à ce mariage, observe, écoute, et agit quand elle constate le manque et le besoin : « Faites tout ce qu’il vous dira » dit-elle aux serviteurs. Invitation de Marie qui veut conduire chacun de nous à son Fils Jésus, par la voie de l’écoute, de l’attention, du cœur, où chacun est appelé à « écouter ce que la Parole de Dieu » a à lui dire et à en vivre.
Le Sanctuaire, en ce 160e anniversaire des Apparitions, nous invite à regarder comment Bernadette est invitée à « accueillir le silence qui permet d’entendre la parole »… Oui, peu de dialogue entre Marie et Bernadette, mais beaucoup de silence, d’écoute, de contemplation, d’attention, de regards, de gestes… Avec Bernadette, c’est à une « manière d’être et d’accueillir » que nous sommes conviés, au cœur même de ce que nous sommes, fragilisés et éprouvés par la réalité forte du cancer qui a des conséquences dans notre chair et dans nos liens…Nous veillerons à ce silence pendant le pèlerinage et nous ferons cette expérience essentielle… Si Bernadette a été choisie par Marie, c’est parce qu’elle était pauvre et ignorante. Elle savait ce qu’elle devait à Dieu. Elle voulait fondre sa volonté à la sienne et le louer dans un chemin d’offrande, de prière et d’amour, mais c’est en commençant par écouter…
Le Père Michel Pagès aime à parler de la vie profondément évangélique de Bernadette, qui de façon très concrète, a porté le message de Marie : « non par des paroles et des discours, mais par la Vérité de sa vie », comme le dit l’Ecriture (I Jean 3, 14 et 16-20) non seulement pour faire les œuvres du Seigneur, mais plus encore en devenant elle-même l’œuvre du Seigneur. En s’adressant à elle, Marie lui a montré le respect qu’elle lui témoignait ; ses mots, ses silences, sa délicatesse disaient la vérité de cette relation et tout son Amour. Par sa vie donnée, où elle a vécu de cet Amour, Bernadette a montré la voie. Après les Apparitions, elle a vécu le déploiement de sa vocation à Nevers. Souvent malade, elle a accompli « des petites tâches », fait les tisanes, passé le balai, jusqu’au moment du conflit avec les Prussiens où le couvent a été réquisitionné pour le soin des blessés. Bernadette a trouvé là encore, « sa petite place de servante ». Elle a vécu, sans rien chercher pour elle-même. Elle est ainsi devenue « porte-lumière » et « porte-parole ». C’est l’Amour qui ouvre la porte de la vie. Elle est une invitation pour nous…
Que nous enseigne Bernadette dans l’accueil qu’elle fait de la Parole reçue de Marie ?
En acceptant l’invitation de Marie à venir la rencontrer quinze jours, Bernadette s’est exposée à la moquerie, à la dérision. Elle écoute ce que « la Belle Dame » lui demande et l’accomplit, quoi qu’il lui en coûte. Chacun de nous peut s’interroger : notre foi, notre espérance nous rendent-elles aptes à l’écoute et capables de poser des gestes de service, de fraternité ? Comme prêtre, on célèbre très souvent des obsèques, durant lesquelles je propose souvent le texte de saint Jean (I Jean 3, 14 et 16-20) sur lequel nous nous appuyons aujourd’hui. Des personnes, souvent éloignées de la foi, découvrent ces paroles et sont interpellées. On parle du défunt, et on dit, d’une façon ou d’une autre : « Il a essayé d’aimer.» Tel est ce chemin en quête de vérité et qui conduit à la Vie.
Comment Marie se situe-t-elle par rapport à Bernadette ?
Marie va se mettre au rythme de Bernadette. Elle ne va pas l’écraser de paroles. Elle lui parle de « conversion », de « pénitence ». Elle le fait avec pédagogie et lui demande de poser des gestes concrets, comme « manger de l’herbe », « boire de l’eau », « se laver », « aller dire aux prêtres qu’on vienne en procession et que l’on bâtisse une chapelle »… La Parole écoutée et entendue devient interpellante et créatrice. Le Verbe s’est fait chair. Dieu envoie son Fils. Il ne se contente pas de « dire la loi » qui doit régir nos vies, en étant inaccessible et lointain. Au contraire, il est proche. Il engendre la vie, il est la Vie, Il nous ouvre le chemin et nous accompagne à chaque instant et nous rend capables…
Vous dites qu’il faut faire silence à l’image de Bernadette qui, en son cœur, s’est laissée visiter par Marie.
Quand on se fait disponible, on peut entendre la Parole de Dieu. Ce silence s’inscrit dans le cadre d’une rencontre. Faire silence, ce n’est pas se mettre en retrait, c’est savoir percevoir ce qui est important dans sa vie et dans la vie de l’autre, pour que la vie de Dieu naisse et agisse. L’écoute est première pour servir les autres. Je me souviens, en pastorale de la santé, de personnes qui postulaient pour entrer dans des équipes d’aumônerie auprès des malades. Certaines disaient : « J’ai plein de choses à dire.» Je leur répondais : « On vous demande l’inverse. Vous devez d’abord être à l’écoute »… « Essayez d’écouter plus et vous apprendrez beaucoup »…
Vous témoignez de cette écoute qui était aussi au cœur de la rencontre entre Marie et Bernadette…
Le temps est partie prenante de cette écoute. Quand on voit comment Marie approche Bernadette, on se rend compte qu’elle lui délivre le message progressivement. Elle attend que le cœur de Bernadette s’ouvre pour lui dire son nom : l’Immaculée Conception. Elle la prépare. On ne peut aimer que dans la vérité et la pureté du cœur. Il ne faut pas imposer ce que l’on est, ne pas écraser l’autre ni l’influencer, encore moins l’utiliser. Il faut d’abord l’écouter, puis oser une parole qui sera dite en vérité.
Vous dites que la Parole de Dieu a mis Bernadette en route…
Bernadette est restée fidèle à Marie car elle l’avait profondément écoutée, et a accepté de servir en vérité. Bernadette n’est pas seulement une courroie de transmission. Est venu le temps où elle s’est engagée elle-même. Elle vit ce message qui est exigeant. Elle s’est sentie aimée de Marie ; elle a reçu des cadeaux du Seigneur et a voulu les offrir au monde. « J’ai reçu tant de grâces, j’ai peur d’en avoir si peu profité », disait-elle. Dans la parabole des talents (Matthieu 25, 14-30), il est dit que Dieu donne à chacun selon ses capacités. Souvent, nous nous comparons, parfois nous nous jalousons, alors qu’Il nous faut recevoir et faire fructifier, et ainsi, répondre à notre vocation. Chacun a « sa part de grâce » et il faut en vivre et faire vivre. Pour Bernadette, ce fut cette éducation à l’écoute, à la discrétion, à l’attention aux petits. C’est ce qu’elle a aimé chez les sœurs de la Charité de Nevers. Elle s’est mise au service, dans sa fidélité au Seigneur, portant au monde un message de conversion.
Intronisé le 19 mars 2013, en la fête de saint Joseph, le Pape François aime à raconter qu’il a toujours eu avec lui « une statue de saint Joseph endormi ». Cette représentation fait référence à l’épisode où, dans un songe, un ange s’est adressé à lui et lui a expliqué le plan de Dieu, qui a choisi Marie comme mère du Messie. De cette manière, Saint Joseph nous montre ainsi une profonde école d’écoute jusque dans son sommeil. Le Pape François aime à dire que quand il porte en son cœur un souci particulier, notamment pour l’Eglise et le monde, il glisse l’intention aux pieds de Saint Joseph, avec la certitude qu’il l’éclairera et le guidera. Nos vies sont sans cesse visitées par Dieu…à nous de savoir l’écouter, et de répondre à son invitation… Le voulons-nous ?
Propos recueillis par Béatrice Rouquet