« Je m’appelle Bernadette ». Ces quelques mots prennent tout leur sens quand, derrière la caméra de Jean Sagols, un visage apparaît : celui d’une jeune sœur de la Charité de Nevers. Malgré la maladie qui la cloue sur son lit, elle est rayonnante, forte d’un bonheur indestructible. On croit que sa dernière heure est arrivée, mais elle bouscule les conventions alors même que la communauté religieuse s’affaire à son chevet : « Je ne mourrai pas cette nuit », confie-t-elle alors. La stupeur s’affiche à l’écran… tandis que quelques rires fusent parmi le public, déjà en sympathie avec cette jeune femme au caractère entier, pleine de vie, que l’on va côtoyer durant près de deux heures.
Plus de 150 ans après les Apparitions à la Grotte de Massabielle, Jean Sagols, réalisateur, a réuni une équipe talentueuse et soucieuse de faire entendre la voix d’une sainte qui, à bien des égards, touche les cœurs. Portée par la détermination et l’engagement de tous, l’aventure du film est le fruit de belles rencontres.
« L’histoire de Bernadette avait déjà été mise en scène, notamment à travers les chefs d’œuvre d’Henry King et de Jean Delannoy. Il y a deux ans et demi, un producteur du film de Jean Delannoy m’a fait part de l’intérêt suscité par cette histoire universelle, que son équipe avait porté à l’écran 25 ans plus tôt. Il m’a incité à refaire un film pour toucher les nouvelles générations. J’ai entrepris de revisiter cette histoire, en l’abordant avec fidélité. Il fallait s’ouvrir à un public plus large, plaire aux croyants et à ceux qui ne l’étaient pas. J’étais également soucieux de ne pas trahir les gens de Lourdes. J’ai alors entrepris un gros travail de lecture. Bernadette était respectueuse des autres, mais elle faisait preuve d’une obstination à toute épreuve. A l’époque des Apparitions, l’Eglise se méfiait des miracles. Le monde pyrénéen était le cadre de nombreux récits où, ici et là, on voyait le diable ou la Vierge. Cette fille a creusé son sillon au milieu de tout ça. Elle a maintenu le cap, chargée de délivrer un message auquel elle ne voulait rien retirer. Elle a subi la pression et l’oppression. Serge Lascar, le scénariste, de confession juive, a été très touché par son histoire. Le producteur du film de Delannoy ne pouvait assumer cette réalisation. A l’évocation du thème choisi, les portes des chaînes de télévision, des pouvoirs publics, du Centre national de la cinématographie… se sont fermées. Durant un an, nous n’avons pas trouvé de solution, jusqu’à notre rencontre avec Bernard Massas, chef d’entreprise. Il a eu l’idée de créer une société de production, avec des financeurs privés. Aussi, 25 actionnaires ont pris part à l’aventure. »
Afin de planter le décor de façon réaliste, aucun détail n’a été oublié. « J’ai parcouru toutes les vallées pyrénéennes pour les repérages, mais je n’ai pu trouver un patrimoine évoquant celui de 1858. Les bâtisses villageoises étaient toutes repeintes. Sur les conseils d’un ami, producteur portugais, je me suis rendu dans le nord de ce pays. Tout y était, avec des paysages préservés et des dames portant leur propre capulet… Pour le tournage, il a fallu s’en tenir au carnet de bord que nous avions fixé : six semaines. Programme que nous avons respecté au jour près ! », relate Jean Sagols.
Si cette aventure aurait pu s’arrêter maintes fois, à cause de divers imprévus, elle s’est poursuivie, coûte que coûte, grâce à ces petits miracles que sont l’énergie, la volonté, la détermination… – en un mot : la foi – des uns et des autres.
« Les comédiens ont accepté de participer à ce film en réduisant de façon conséquente les cachets auxquels ils auraient pu prétendre. Outre cet aspect, nous avons été confrontés à des contretemps comme celui d’une intempérie qui, une semaine avant la fin du tournage, a inondé le décor de la Grotte de 7m/14m. Une fois que l’eau du canal voisin s’est retirée des lieux, le décorateur portugais a réalisé des prouesses pour que nous puissions à nouveau en disposer. »
Jean Sagols confie volontiers qu’il est là pour « faire comprendre à l’acteur que la caméra l’aime. » Dans ce film, il a pu réunir des artistes hors pair comme Francis Huster, Alessandra Martines, Michel Aumont, Rufus, Francis Perrin, Alain Doutey, Nicolas Jouhet… sans oublier un « oiseau rare » : Katia Miran. Etudiante en droit, la comédienne incarne la jeune Soubirous, de façon très naturelle et actuelle. Afin d’aborder le rôle, elle a suivi les recommandations du réalisateur. « Il s’agissait d’arriver sur le tournage la plus fraîche possible. Je me suis peu documentée, si ce n’est la lecture du livre « Bernadette vous parle » que j’ai faite, deux ou trois jours auparavant », indique-t-elle.
Pour sa part, Francis Huster a revêtu l’habit du procureur. Très touché par ce film, il traduit comment dans la France cartésienne du 19e siècle, la grâce s’est manifestée alors même que Bernadette semblait dire : « Je vois donc je sais ». « Le scénario raconte non pas ce que Bernadette a vu à l’extérieur d’elle-même, mais bien plus ce qu’elle percevait à l’intérieur d’elle-même. Forte de cette certitude, elle a été inattaquable. A l’image du Christ, elle a dit : « Je ne cède pas. » Le devoir que nous avons tous, comme êtres humains, réside non pas dans la tentation de donner des leçons, mais bien plus de servir l’histoire de cette jeune femme, à travers un film simple, humble et vrai. »
Tous les comédiens ont été heureux de participer à cette aventure, comme en témoigne Alessandra Martines. « J’ai appris que l’on souhaitait me confier le rôle de la mère de Bernadette, alors même que je venais de me rendre à Lourdes pour accompagner un proche malade et prier à la Grotte. Ce film a été un cadeau. »
Quant à Bernard Massas, il confie aujourd’hui qu’il est « le plus heureux des producteurs ». : « Nous avons tous cru à ce film qui est porteur d’amour, de passion et d’enthousiasme. » Henri Sagols, frère de Jean, résume en un mot cet élan qui a rassemblé et porté toute une équipe : « Aide-toi, le ciel t’aidera ! »
Béatrice Rouquet