Quelle foule, quelle présence ! L’entrée du Père Gilbert Limousin dans la « délégation du Ciel » a réuni beaucoup de ceux qu’il appelait ses amis. Et ceux qui n’avaient pu se déplacer étaient unis par la prière.
L’église de la Chaize Le Vicomte était bien trop petite pour accueillir tous ceux qui étaient venus le remercier et le saluer. Une très importante délégation de LCE, foulard au cou, était venue accompagner cet « athlète de l’Espérance » comme l’a qualifié le prêtre qui a prononcé l’homélie. Sur son cercueil, paré du drapeau national (il avait « fait » l’Algérie), après la lumière, la croix et l’étole, c’est le foulard de Lourdes Cancer Espérance qui a été déposé par Jeannette, de la délégation de la Vendée.
Marie-Jo a prononcé l’hommage ci-dessous de la part de toute la communauté de LCE :
«Père Gilbert,
C’est avec une vive émotion et grande affection, mais aussi avec toute l’espérance qui les habite que les amis de Lourdes Cancer Espérance t’accompagnent pour ce dernier au revoir.
Il y a 28 ans, tu participais à ton 1er pèlerinage LCE…, association qui rassemble les personnes touchées par le cancer dans leur corps et dans leur cœur. Tu as été immédiatement saisi par cette ambiance fraternelle et spirituelle qui règne au sein de cette famille. Deux ans plus tard, l’évêque du diocèse te nommait aumônier départemental de la délégation de la Vendée.
Au sein du pèlerinage à Lourdes, tu as su apporter un dynamisme et une approche très délicate en particulier pour les pèlerins recevant le sacrement de l’onction des malades.
Nombreux sont les amis que tu as accompagnés dans les moments joyeux, mais aussi dans les moments douloureux ; Tu savais te rendre disponible pour l’autre, être à l’écoute en respectant les idées et les convictions de chacun. Tu savais nous guider sur le chemin de la foi et de l’amour des autres.
Nous rendons grâce pour tous ces moments précieux vécus avec toi au sein de notre délégation et auprès de nos familles, et te confions à Marie notre Mère du Ciel.
Nous te remettons ce foulard qui est le signe de nos rassemblements et rappelle ce que nous avons partagé ensemble, le vert étant la couleur de l’Espérance.
Prendre le temps d’aimer et d’être aimé est une grâce de Dieu.»
Les pensées étaient également pour Marie-Jeanne, déléguée de la Vendée, que son état empêchait d’être présente.
Merci Gilbert !
Philippe Cabidoche
Homélie du Père Gérard Baty :
De suite j’ai envie de dire ce qui habitait Gilbert les jours précédant son départ. « J’ai en moi une grande paix.» Ses mots me sont revenus la nuit de NOEL et j’ai rendu grâces pour ce don de la Paix qu’il a reçu du Prince de la Paix. Je n’ai pas de peine à croire qu’ils se sont reconnus tous les deux tant il y avait entre Gilbert et lui une belle complicité et une bonne relation.
Il est vrai que Gilbert n’a pas failli à sa mission. Il était habité par une présence qui le faisait vivre et qui rejaillissait sur sa manière d’aimer les personnes notamment sur celles qui connaissaient la douloureuse maladie du cancer sous toutes ses formes, et d’autres maladies dans ses différents accompagnements tant à l’hospitalité qu’en d’autres occasions. Il avait reçu du Christ sa manière de regarder, d’accompagner, d’encourager Il donnait ce qu’il avait reçu du christ Pasteur, pour lequel il vivait une passion. Oui le pasteur qui regarde dans le troupeau la brebis isolée, blessée, en attente. Il avait reçu le don de la compassion. Souvent il était écartelé, tellement sa richesse de relations était dense, avec les appels et la fatigue qui en découlaient et plus la durée des missions reçues s’accentuait moins il ne savait parfois où donner de la tête. Il fallait tenir ensemble tellement de choses importantes que le discernement n’était pas des plus commodes.
Nous connaissons tous le courage, la foi et la détermination de Gilbert et nous savons tous ce qui la fait tenir durant ses diverses étapes bien exprimées dans le mot d’accueil, la confiance de nombreux jeunes qu’il a accompagnés durant 23 années durant, les multiples membres de Lourdes Cancer Espérance et les nombreuses personnes dans les diverses paroisses, à qui il a fait confiance et qui lui ont fait confiance. Et en même temps, nous l’avons ressenti au Landreau, la place de la prière, de Marie et de l’Eucharistie et cette croix qu’il regardait sans cesse pour laisser entrer en lui les forces de vie. C’était pour lui un vrai pain quotidien. En fait Il a bénéficié d’un bon bain humain, familial, pastoral et spirituel ce qui l’a fortifié dans ses limites mêmes, dans sa maladie dont il se rendait compte et tout cela a préparé son lâcher prise progressif.
Vous allez peut-être étonnés, après tout ce que je viens d’exprimer, d’apprendre que Gilbert a choisi les textes et les chants de ce que nous vivons maintenant. Un jour au début de son hospitalisation, il a fait venir une petite équipe de la paroisse. En fait cela m’a permis, à partir de la parole de Dieu choisie, de comprendre ce qui l’a aidé à s’abandonner totalement et à regarder résolument vers la croix et la résurrection. Au milieu de l’année, quand Gilbert a été saisi par la nouvelle de sa maladie il a reçu le choc habituel que beaucoup connaissent mais il a tout fait, non pas pour l’oublier, mais pour la traverser. Au cours des hauts et des bas du mal qui commençait à le ronger, il ne quittait pas son agenda ; il pensait aux rendez-vous à venir, il parlait de Lourdes Cancer Espérance. Il avait beau avoir l’expérience de l’accompagnement des grands malades, lui aussi faisait ce qu’il y a avait de mieux pour lutter pour traverser.Comme on le comprend ! Peu à peu il a accepté la vérité sur son avenir, avec l’accompagnement soutenu de ses amis les plus proches, de son environnement familial, le savoir faire du corps médical, de l’aumônerie. Vous savez, vous qui avez bénéficié de ses services, combien il préparait et faisait vivre le sacrement des malades à Lourdes. Il a voulu passer aussi par cette belle démarche sacramentelle… en se laissant rejoindre par le Christ pour qu’il le fortifie et le fasse entrer dans sa volonté au cœur même de ses résistances. Sa soif d’agir s’amenuisait de plus en plus. Il fallait donc qu’il se laisse faire et conduire, dépouillé. Ces moments l’ont délié en quelque sorte et ont dénoué ce qui voulait le retenir, ce qui l’empêchait de s’ouvrir pour la rencontre avec le Christ « Si le christ n’est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien. Vous n’êtes pas libérés de vos péchés. ». D’où le choix de la première lettre de Paul aux corinthiens où il prend la main du Christ ressuscité tout en regardant la croix pour être pleinement libéré , relevé…en faisant son bel acte de foi à la manière de Paul. Oui c’est vrai, le Christ est ressuscité, veut il nous faire entendre en ce jour de départ .
Nous pouvons comprendre à ce propos la belle scène de la mort de Lazare dont le mot hébreu veut dire « Sans espoir » que Gilbert a tenu à nous offrir. Qu’avait il dernière la tête. Est-il insensé de penser que Gilbert, le bon athlète de l’Espérance, en nous offrant cette belle page nous invite tous à ne pas désespérer ? A nous aider à nourrir notre espérance. Peut-être veut-il nous aider à comprendre la déception des deux sœurs et leur différente attitudes à l’approche de Jésus qui finit par arriver quatre jours après la mort de Lazare. En apprenant sa venue Marie reste confinée dans sa maison… Tandis que Marthe court vers pour lui dire ce qu’elle a sur le cœur ; « Mais si tu avais été là, mais que faisais-tu ? » Oui, ce fameux silence de Dieu, durement ressenti par ceux qui souffrent et qui ne voient pas de sortie possible. Marthe l’a ressenti et Gilbert aussi. « Que fais-tu Seigneur, que veux-tu donc ? ». Une fois le reproche fait, devant lequel Jésus ne répond pas, ne bouge pas, c’est Marthe qui bouge et qui dit sa confiance : « Je sais, maintenant encore, « Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas . » La réponse de Jésus est lumineuse : « Ton frère ressuscitera. Je suis la Résurrectionet la vie. Crois-tu cela ? Ce que nous remarquons particulièrement de cette belle rencontre des trois personnes autour de la mort de Lazare, c’est l’attitude de Jésus qui semble ne pas bouger et qui pourtant porte en lui les forces de la vie. Il attend notre foi pour libérer ces forces de vie, oui cette foi que, d’un coup, Marthe a libérée en elle… Son cœur noué par la déception, par l’incompréhension s’est soudain délié, dénoué. Sa confiance lui a brûlé le cœur. Elle, l’active, l’a communiquée à sa sœur enfermée dans sa douleur et sa prière. Toutes les deux sont devenues fortes et libres, en répondant à la question de Jésus : « Crois-tu cela ? Crois-tu à la force de vie que l’amour que j’ai pour toi t’offre ? » Le oui de Gilbert s’est totalement libéré , l’a délié , l’a totalement rendu libre , source de cette grande paix que les témoins de ses derniers mois et ses derniers jours ont pu bénéficier et pour laquelle nous pouvons rendre grâces ensemble . Je pense que nous pouvons faire nôtre ce que quelqu’un a pu dire du Christ après avoir découvert sa vie : « Mais cet homme est un ouvreur de tombeaux et un dérouleur de bandelettes. » A sa suite , Gilbert l’a été aussi à sa manière avec ses faiblesses, ses limites, mais avec sa foi et ses charismes. Puissions-nous continuer d’être les uns pour les autres « des ouvreurs de tombeaux et des dérouleurs de bandelettes . »
Merci Gilbert , ta vie appelle la nôtre. Merci d’avoir été un bon athlète de l’espérance, cette espérance qui fait vivre et qui ne déçoit jamais.
Père Gérard Baty, Directeur de la Maison de Retraite du Clergé des Herbiers (85500)