Déléguée de Lourdes Cancer Espérance depuis 2005 en Alsace, région particulièrement touchée par la pandémie, Fabienne Hulard se veut solidaire de tous. Avec son équipe, elle œuvre pour briser l’isolement des amis LCE qui savent combien ces liens sont précieux. Internet, le téléphone sont des bons moyens de se soutenir, par des messages, des appels ou des sms, faisant vivre la parole du prophète Isaïe : « Tu as du prix à mes yeux ». La foi qui l’anime lui permet de se ressourcer dans l’espérance, confiante en un Dieu présent à chaque instant de nos vies. Ce temps de confinement ne rompt pas la communion dans l’invisible et par la prière, elle rejoint et confie à Dieu toutes celles et ceux qui luttent contre la maladie, celles et ceux qui, au péril de leur vie, soignent, entourent, encadrent et permettent que la vie continue. L’amitié, la fraternité, l’humanité ne connaissent pas de confinement !
Entretien :
Comment avez-vous vécu la Semaine Sainte ?
«Ce temps vécu sans assemblée communautaire m’a fait prendre conscience de l’importance des liens qui nous unissent aux autres, et cela ne concerne pas seulement nos proches mais toute l’humanité. Ma prière en a été fortifiée. Je n’ai jamais autant prié pendant une Semaine Sainte ! Je rends grâce pour la technologie qui a permis de visionner des célébrations par Internet, KTO, la télévision, mais je rends surtout grâce pour la vitalité de notre Eglise qui a mis en ligne, multiplié les propositions et permis de vivre les temps forts de la Semaine Sainte ! En Alsace, région multiculturelle, un office œcuménique a été retransmis par FR3 Alsace en matinée. C’était une très belle célébration de la Parole : lecture de la Passion, prière et messages du pasteur et du prêtre… Ce moment a été accessible à tous, y compris aux personnes âgées qui, pour nombre d’entre elles, n’ont pas internet. La Semaine Sainte nous a réunis à travers la foi, les célébrations.
La fête de Pâques ?
Le jour de Pâques, j’ai participé, je dis bien « participé » et non « regardé » la messe à la télévision sur France 2 comme je le fais souvent après la messe paroissiale, ce qui me permet de découvrir d’autres lieux, d’autres manières de célébrer. Cette fois la messe télévisée était la seule possibilité qui m’était donnée depuis le début du confinement, et je dois dire que j’apprécie ces moments qui sont d’autant plus précieux. Ce sont des messes simples, bien préparées, sobres, belles : cela m’apporte beaucoup. A l’écran, au fond du studio, des images d’églises, de vitraux ou de paysages favorisent le recueillement : c’est une très belle idée. J’imagine tous les croyants qui vivent ce moment en même temps, et je sais que je ne suis pas seule à prier. Nous sommes en communion spirituelle même s’il me manque de recevoir concrètement le Pain de Vie qui me donne la force pour la vie de chaque jour.
Vous écoutez beaucoup le pape François…
Depuis le jour de son élection où, devant la foule rassemblée sur la place St Pierre et devant les caméras du monde entier, il nous a demandé de prier pour lui, le pape François m’émeut toujours par ses paroles, ses prises de position. Il utilise des termes simples qui s’enracinent dans le vécu, il a toujours le souci des plus pauvres, des plus faibles en lien aussi avec la sauvegarde de notre « maison commune ». Il apporte une parole forte et courageuse au monde comme lors de la bénédiction urbi et orbi où il n’a pas hésité à souligner les inégalités, les violences, les manques de liberté…
Vous dites que les liens d’amitié ne connaissent pas de barrières…
Au sein de Lourdes Cancer Espérance, nous nous efforçons, malades et bien-portants, jeunes et personnes âgées, de nous soutenir les uns les autres, de manifester notre présence, notre amitié, notre compassion, d’exprimer nos tristesses, nos doutes et nos joies ! Nous avons à cœur de maintenir ces liens si précieux qui nous aident à vivre. Nous nous portons les uns les autres dans la prière à Marie. Nous sommes tous très attachés à Lourdes. C’est poignant de voir l’esplanade vide au moment de la prière du chapelet, ce temps fort que de nombreux amis LCE me confient prier régulièrement. Lourdes nous rappelle tellement de souvenirs heureux, nous aimons cet endroit et nous avons besoin d’être reliés à ce qui s’y passe… Dans le contexte actuel où de nombreuses personnes meurent seules sur un lit d’hôpital, où les proches ne peuvent dire adieu à celui ou celle qu’ils aiment ni même le voir une dernière fois, où les funérailles ne peuvent être célébrées avec l’ensemble des amis, l’écoute, le partage, le soutien sont essentiels ! Nous nous y employons… Non, en fraternité, il n’y a pas de barrières !
Que peut vous apporter ce temps de confinement ?
Au fil des jours, j’ai appris à apprivoiser ce temps imposé, ce temps « vide » des activités habituelles, au rythme plus lent, aux allures de vacances sans en donner la liberté… pour en découvrir les bienfaits ! Méditer, réfléchir au sens de ma vie, à ma manière de vivre, d’être en relation, prendre conscience du temps qui passe, m’émerveiller devant le printemps, admirer les fleurs de mon petit jardin, prendre soin des autres, m’enraciner dans l’espérance…
A quoi ressemblera ma vie, notre vie, après le coronavirus ?
Je souhaite, j’espère que dans ma vie, dans notre société qui s’est découverte fragile, bien des choses changeront pour plus de respect, plus de justice, plus de générosité et de bienveillance envers chacun, que ces magnifiques élans de solidarité dont nous sommes témoins chaque jour perdureront… même si un petit St Thomas sommeille toujours en moi !»
Propos recueillis par Béatrice Rouquet