« Lourdes est un lieu privilégié pour accueillir la miséricorde et le pardon »
Vous avez publié récemment plusieurs livres historiques, en particulier « Lourdes au temps de Bernadette » (NDL Editions), et « Lourdes dans l’histoire : Eglise, culture et société » (Editions l’Harmattan). Comment avez-vous procédé pour la rédaction de ces ouvrages très documentés ?
Comme vous le dites : en consultant des documents. Pour Lourdes au temps de Bernadette, il y avait des pages intéressantes dans divers ouvrages, auxquelles il faut ajouter les publications des Amis du Vieux Lourdes. Pour Lourdes dans l’Histoire, les Sanctuaires disposent d’une documentation considérable : Le Lavedan, devenu Journal de la Grotte, devenu Lourdes Magazine. Sans compter deux revues : Les Annales de Notre-Dame de Lourdes (1868-1944) et Recherches sur Lourdes (1961-1984). Il y avait de quoi lire.
Comment s’explique le rayonnement de Lourdes dans le monde entier, alors même qu’au temps des Apparitions, la ville était plus « traversée que connue » ? Quel a été le rôle des « bâtisseurs » ?
Parce que Lourdes était traversée par de nombreux voyageurs et curistes, les nouvelles se répandirent rapidement. Le télégraphe existait déjà. Le chemin de fer n’allait pas tarder. Les journaux se multipliaient et polémiquaient entre eux : excellent pour la publicité ! Mais surtout, il y avait l’originalité du Message en résonance avec le dogme de 1854, le témoignage et la personnalité de Bernadette et, rapidement, les guérisons.
« Lourdes dans l’histoire : Eglise, culture et société » se présente comme une encyclopédie accessible et passionnante. En menant à bien vos recherches, certains faits de l’histoire de Lourdes vous ont-ils particulièrement marqué, surpris ou émerveillé ?
Je crois que Lourdes est un bon exemple de ce que Newman appelle le « développement authentique ». Il le caractérise par sept notes qui se retrouvent, me semble-t-il, dans le phénomène « Lourdes » : « préservation du type, continuité des principes, puissance d’assimilation, conséquence logique, anticipation de l’avenir, action conservatrice du passé, vigueur durable. » Ce n’est pas pour rien que la dernière notice du livre s’appelle « Tradition », au sens catholique de ce mot.
Vous écrivez: « pour le chrétien, le miracle préfigure la Résurrection. Les miracles de Lourdes sont des signes pour la foi et des actes de charité, de miséricorde. » Comment Lourdes s’inscrit-elle dans ce projet de Dieu pour nous ?
Il faut continuer la citation : « Les miracles sont aussi des brèches qui ouvrent sur l’espérance ». De même que les apparitions font espérer la vision.
Vous soulignez de même que, s’adressant à Bernadette, la Vierge Marie n’a pas parlé des malades, mais a demandé que l’on se convertisse, en buvant à la source. Comment devons-nous nous approprier de ce message ?
C’est une chose étrange, mais incontestable : dans l’opinion, Lourdes est identifiée aux malades et aux miracles, alors que la Dame n’y fait aucune allusion et que, sur sa demande, Bernadette découvre la source et y boit en signe de pénitence. « C’est qu’elle était bien sale », dira Bernadette. Elle-même deviendra infirmière et ne soignera pas à l’eau de Lourdes. La source de Massabielle est un symbole universel mais aussi, spécifiquement chrétien. La flaque d’eau boueuse devient source claire et abondante ; la boue du péché est remplacée par la clarté de la miséricorde divine. C’est l’hymne de la nuit pascale : Felix culpa qui a mérité d’avoir un tel Rédempteur.
Comment vivre la miséricorde à Lourdes et dans nos vies quotidiennes ?
Lourdes, comme tous les sanctuaires marials, est un lieu privilégié pour accueillir la miséricorde et le pardon. Marie n’est-elle pas le « refuge des pécheurs », comme dit la litanie ? C’est d’autant plus vrai à Lourdes qu’elle s’y révèle comme l’Immaculée Conception : n’ayant aucune complicité avec le péché, elle se réjouit, comme Dieu lui-même, de toute conversion. Ce sera l’engagement de Bernadette, pout toute sa vie : prier pour les pécheurs. Car elle sait que le péché mène au malheur. De plus, Lourdes est un lieu où s’exerce une miséricorde active, par le service des hospitaliers et des autres bénévoles. Même les observateurs les moins bien disposés reconnaissent qu’ils ont respiré à Lourdes un air de fraternité.
Récemment, vous parliez de la grâce du message de Lourdes, qui s’appuie sur la révélation du nom de l’Immaculée conception, dont le dogme avait été proclamé quatre ans plus tôt par le pape Pie IX. Que signifie pour nous cette révélation de la Vierge ?
La révélation du 25 mars, « Je suis l’Immaculée Conception », est le sommet et le plus original du Message de Lourdes. C’est la dernière parole de la Dame à Bernadette, six semaines après la première apparition et au terme de trois semaines sans apparition La révélation devait être importante pour justifier une telle préparation ! En Marie, qui n’est qu’une créature, Dieu nous révèle notre vocation : « Il nous a choisis, dans le Christ, pour que nous soyons saints, immaculés, devant lui, dans l’amour » (Ephésiens 1, 4). Mais la parole de la Vierge reste mystérieuse : nous n’aurons jamais fini de l’écouter. Cela aussi fait partie du charisme de Lourdes : il dépasse notre compréhension.
Dans votre livre, « Les Signes de Lourdes », vous révélez la façon dont le lieu même est porteur d’un message, qui s’inscrit dans une réalité évangélique. Comment sommes-nous appelés à vivre de notre foi ?
Pendant cinq ans (2002-2006), les pèlerins ont été invités à s’approprier, tour à tour, un des cinq signes principaux de Lourdes : le rocher, l’eau et la lumière, mais aussi la diversité des peuples et le rapport entre les malades et ceux qui les servent, le service étant un beau mot évangélique. Mais bien d’autres aspects de Lourdes sont aussi porteurs de sens. Ne serait-ce que la topographie. Dans le fascicule Les signes de Lourdes, je décris les lieux comme une carte de la foi, en trois dimensions. Comme le Domaine est situé entre ville et nature, la foi se vit en Eglise, dans l’ambiance d’une culture et dans le cadre d’une société : où l’on retrouve le sous-titre du livre « Lourdes dans l’Histoire : Eglise, Culture et société ».
De quelle manière des pèlerinages comme celui de Lourdes Cancer Espérance peuvent-ils « réveiller » notre foi ?
Pour les participants, cela me semble évident. Quand une personne est décédée depuis le pèlerinage précédent, la présence de parents ou d’amis l’année suivante en est un signe. Mais les pèlerins seraient mieux placés que moi pour répondre à votre question. Ce que je sais, c’est que des pèlerinages comme le vôtre sont nécessaires pour conserver à Lourdes son tonus, sa teneur spirituelle. Et pourquoi pas, les faire grandir ? Mgr Théas disait : « Lourdes est au début de son histoire. »
Propos recueillis par Béatrice Rouquet
Illustrations : Philippe Cabidoche