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Véronique Caussade, assistante de direction au sein de l’Accueil Notre-Dame

Véronique Caussade

« Dès mon enfance, j’ai vécu au rythme des pèlerinages. Dans l’hôtel, qu’avaient tenu mes grands-parents, puis mes parents, passaient des pèlerins du monde entier, malades ou bien-portants, hospitaliers ou accompagnants. J’ai aimé les amitiés qui s’y nouaient. Certaines ont traversé les années, comme celle qui a lié mes parents, avec Léonce, hospitalier du pèlerinage de la Suisse romande. Mon papa est décédé en 1990 d’une tumeur au cerveau, mais ce qu’il a construit aux côtés de maman continue de me porter. Tous deux m’ont appris l’essentiel : savoir s’émerveiller de ce qui nous est donné, chaque jour, dans les rencontres et les cadeaux de la vie. Très jeune, j’ai eu envie de suivre leur pas, et je n’envisageais ma vie qu’à Lourdes, parmi les pèlerins. Avant d’entrer au sein du Sanctuaire, j’ai tenu un restaurant avec mon mari à partir de 1995 ; cette expérience m’a beaucoup plu mais nous avons dû y mettre fin après avoir tenu la barre six années durant.

Ayant fait acte de candidature au début de l’été 2001, j’ai été recrutée dès le mois d’août comme vendeuse, dans les kiosques positionnés au sein du Sanctuaire, destinés à la promotion de Lourdes Magazine. Ce fut une période riche en rencontres, d’autant que je n’envisageais ma mission que sous l’angle de l’échange. J’étais en mesure de pouvoir parler des articles, dont j’avais fait une lecture approfondie, et j’étais aussi à l’écoute de ceux qui venaient me demander des renseignements ou me faire part de leur propre démarche de foi. Que de souvenirs je conserve aujourd’hui dans mon cœur ! En considérant le chemin parcouru, je vois comment le Seigneur est à l’œuvre dans ma vie ; j’ai l’impression qu’il n’y a pas de hasard. Pour peu qu’on sache l’accueillir, Il nous parle tous les jours, à travers les personnes qu’Il met sur notre route.

Parmi les souvenirs qui continuent de m’habiter, je pourrais vous parler de cette jeune femme que j’ai rencontrée dans un kiosque de Lourdes Magazine et qui, après un bref échange, a fondu en larmes. J’avais peur d’avoir été maladroite, mais elle est revenue me voir le lendemain, s’excusant de son attitude. Nous avons évoqué ensemble la force qu’elle trouverait en recevant le sacrement de réconciliation, et j’étais moi-même très proche du Père Sauveur Olhasque, dont j’appréciais la démarche pleine d’humanité. Je lui ai conseillé d’aller à sa rencontre, confiante en sa grande humanité et à sa capacité à mettre la vie même de la personne au centre d’un sacrement ancré sur l’espérance. Cette discussion a ouvert une amitié, et quand nos chemins se sont croisés à nouveau, j’ai dirigé cette pèlerine vers les piscines. Plus de dix années se sont écoulées et nous sommes toujours en relation.

Il y eut d’autres rencontres, toutes précieuses, que j’ai accueillies avec beaucoup d’amour car ce sont des cadeaux qui nous sont faits, et qui alimentent notre petite flamme pour choisir la Vie, dans le don de soi-même et le service aux autres.

Je n’ai pas oublié le témoignage d’un hospitalier qui m’a relaté la façon dont il s’était laissé rejoindre par la grande aventure de Notre Dame de Lourdes. Alors qu’il était en vacances dans les vallées environnantes, il a voulu visiter le Sanctuaire, sans être croyant lui-même. Et puis, ayant franchi la porte du domaine, il découvrit sur place ce qu’est le cœur de Lourdes : des personnes malades ou handicapées, aimées et au centre de toutes les attentions. Il a vu la lumière sur les visages, et cette expérience l’a bouleversé. Ce jour-là avait germé en lui l’envie de servir à Lourdes ; une vocation qu’il a mûrie et vécue ensuite en s’engageant au sein d’une hospitalité.

Au pied du Rocher, je saisis tous ces instants qui, même s’ils peuvent sembler passagers et éphémères, sont porteurs d’une grande puissance de vie. Je suis très réceptive à tous les petits bonheurs : un chant, un parfum, une parole peuvent embellir ma journée. J’ai traversé aussi des épreuves, mais comme le raconte la fable, on peut se relever pour peu que l’on garde la foi : c’est l’histoire de la grenouille qui tombe dans du lait et nage jusqu’à ce que le lait devienne beurre ; c’est l’histoire de l’âne qui tombe au fond de puits, sur lequel on jette des pierres, mais qui prend appui sur ces mêmes pierres pour sortir du trou. Le Christ lui-même a chuté lors du chemin de Croix, Il s’est relevé et a continué à marcher. C’est cela qui nous réunit et qui fait aussi la beauté du chemin : celui de ne pas abandonner ses rêves et toujours donner le meilleur de soi-même.

Après avoir œuvré dans l’équipe de Lourdes Magazine jusqu’en 2004, m’a été confié une mission complémentaire au sein de la librairie de la Grotte, me permettant ainsi de travailler à temps plein. A cette époque, je suis aussi partie à Nevers pour un pèlerinage qui, aux côtés de sœur Marie Ange et de quelques employés, dura trois jours. La découverte de Nevers marqua une étape importante dans ma vie de croyante.

Je me souviens de l’émotion à découvrir Bernadette dans sa chasse, au moment d’entrer dans la chapelle. J’ai été subjuguée par ce qui se dégageait de ce lieu et qui émanait de sa vie : Bernadette a su véhiculer le message qui pesait sur ses épaules, en toute simplicité et humilité. J’avais l’impression de rencontrer quelqu’un de la famille et qu’elle dormait paisiblement.

Quelques années plus tard, j’allais découvrir plus encore son univers, en participant à la réalisation de deux DVD, tournés par Philippe Cabidoche, en lien avec le personnel du Sanctuaire. Nous y interprétions la vie de Bernadette, pendant les Apparitions puis durant les années qu’elle passa à Nevers. J’y ai tenu un rôle moi-même, tout comme Chloé, ma fille alors âgée de douze ans… Il a fallu adapter les dialogues selon les écrits du Père Laurentin, et j’ai participé à cette aventure avec enthousiasme. De Bernadette, j’ai l’image d’une jeune fille très vive, pleine d’humour, authentique, spontanée et concrète.

Entrée chez les sœurs de la charité de Nevers, elle était d’une nature gaie comme le montre cette anecdote : désireuse de cueillir des fraises dans le jardin, elle y a jeté un jour son sabot pour accéder jusqu’à elles ; elle était pleine d’esprit et, sollicitée par des visiteurs, elle partait en disant qu’elle allait partir à la recherche… de Bernadette. Elle était coquine, et j’aime l’idée que l’on puisse être saint et joyeux. Je me souviens que, pour le tournage du film, il nous arrivait de jouer des scènes où nous étions en prières, mais ces scènes étaient préparées par sœur Marie Ange qui nous aidaient à prier vraiment.

En 2006, ma vie professionnelle a pris un nouveau tournant quand j’ai appris le départ de sœur Jacqueline, alors directrice de l’Accueil Notre-Dame, pour la Corée du Sud. François Labadie l’avait secondé jusqu’alors, et il devenait le nouveau directeur. Un appel d’offres fut émis au sein du Sanctuaire, et j’ai soumis ma lettre de candidature pour devenir son assistante. Peu avant, un concours de circonstances m’avait conduite à faire la connaissance de François Labadie et j’avais perçu l’enthousiasme qui était le sien pour ce lieu voué à l’accueil des pèlerins. J’avais alors demandé à visiter l’Accueil Notre-Dame, et j’avais découvert à ses côtés la beauté et la force de ce qui s’y vivait. J’eus le bonheur d’être retenue pour rejoindre l’équipe d’administration. Cette nouvelle responsabilité concordait à mes aspirations, forte de ce que j’avais vécu auparavant dans mon noyau familial. Je pourrais vous témoigner de la confidence reçue de ma grand-mère qui vécut à Lourdes une grande partie de sa vie, comme hôtelière : aujourd’hui revenue à Toulouse, elle me confie volontiers n’avoir jamais trouvé ailleurs ce qu’elle a vécu dans la cité mariale.

A l’heure actuelle, mes responsabilités au sein de l’Accueil Notre-Dame portent sur l’aspect logistique et la restauration. Chaque pèlerinage a ses spécificités, et il faut prévoir de distribuer selon les attentes les petits déjeuners, le café, le chocolat, les viennoiseries… Il faut s’organiser, passer des commandes, travailler en lien avec les présidents d’hospitalité pour prévoir les repas, selon les régimes. J’organise aussi les buffets pour des occasions spéciales, comme des réunions d’hospitaliers, des goûters pour les enfants ou des anniversaires.

Depuis très longtemps, j’entretiens des liens étroits avec des responsables de Lourdes Cancer Espérance, en premier lieu avec Marie-Claude Aizpurua, qui fut ma catéchiste pendant ma scolarité à Lourdes, et qui est aussi une amie d’enfance de ma maman. J’ai bien connu Michèle Dehaine qui fut elle-même hospitalière et qui, par le passé, s’occupait d’organiser les repas pour les pèlerins logés à l’Accueil avec LCE. Aujourd’hui, je suis en étroite relation avec Bernadette Douillet afin de prévoir les repas selon les régimes, tandis que Danielle Lagües s’occupe des réservations pour l’hébergement.

Le pèlerinage LCE est un pèlerinage très attendu à Lourdes et il est lié aussi à des souvenirs personnels. Je me souviens comment, d’année en année, nous accueillions dans l’hôtel familial le groupe de Nancy et celui de la Bretagne. Nous connaissions bien Mme Artigarrede, dont le nom évoque les réputées pâtisseries russes d’Oloron ; elle venait rejoindre une amie pendant le pèlerinage de Lourdes Cancer Espérance.

Je me souviens des efforts fournis pour accueillir des pèlerins malades auxquels il faut apporter un service sur mesure et qui, dans le même temps, savent dire leur gratitude. L’espérance est un mot approprié quand on parle de ce qui se vit au sein de l’association. Malgré les épreuves, les personnes sont en lien les unes avec les autres, et cela leur permet de garder le sourire et de continuer à avancer et à espérer.

Au sein de l’Accueil Notre-Dame, nous sommes très attentifs à apporter confort et sécurité aux personnes qui séjournent sur place, et le pèlerinage de Lourdes Cancer Espérance est un moment important de l’année, que nous recevons en y mettant tout notre cœur, comme nous le faisons au fil des mois par l’attention apportée à chacun en particulier. L’Accueil est un lieu d’Evangile et une grande maison de famille.

Depuis plus de dix ans maintenant, j’y vis des rencontres fortes et qui me font avancer un peu plus tous les jours : qu’il s’agisse de l’amitié qui existe avec mes collaborateurs, avec les pèlerins ou les hospitaliers, chacun apporte sa pierre. Je dirais que la vie ressemble à une maison que l’on construit. Pendant mon enfance, les fondations ont été posées ; est venue s’ajouter la chape quand j’ai commencé ma vie adulte, et désormais les pierres s’ajoutent les unes aux autres. Bien sûr, il y a parfois des épreuves qui sont comme des tremblements de terre, mais avec le soutien de ceux qui nous aiment, on parvient toujours à reconstruire quelque chose de positif.Au sein du Sanctuaire, nous sommes au service des pèlerins du monde entier, et tous les jours, nous vivons des rencontres fortes qui restent gravées dans le cœur des équipes qui œuvrent sur place.

I

Dessin réalisé et offert par un petit patient et son frère, Greg et Matt, en remerciement de leur séjour passé à l'Accueil Notre-Dame en 2013

l y a quelques années, un pèlerin américain a contacté l’Accueil Notre-Dame avec le désir de venir en pèlerinage à Lourdes. Atteint d’un cancer de la gorge, il avait une trachéotomie. Il nous a expliqué qu’il pouvait assurer les soins lui-même, mais les conditions d’accueil au sein de notre structure imposent à chacun d’être accompagné. Il a alors sollicité l’un de ses amis américain, résidant en Belgique.

Tous deux sont partis de leur côté pour se rejoindre sur place. Ils logeaient dans la même chambre, mais au sein du Sanctuaire, chacun organisait sa journée différemment. Son ami ne l’accompagnait ni dans les processions ni aux messes, car il ne partageait pas avec lui cette petite flamme de la foi. Il était toutefois présent pour lui faire plaisir et très attentif à que le séjour soit un temps privilégié de ressourcement. Le jour du départ, alors qu’ils attendaient ensemble le taxi, Sœur Marie-Ange leur a proposé d’aller se recueillir quelques instants à la chapelle de l’Accueil Notre-Dame. Je les ai accompagnés, et je me souviens comment, au moment où sœur Marie Ange chantait l’Ave Maria, le jeune homme belge a fondu en larmes. Cela m’a beaucoup émue, et c’est un moment que je n’oublierai jamais. J’ai trouvé belle la démarche qui était la leur, cette amitié et ce service qui les avait réunis tous deux.

J’ai aussi à cœur de vous parler de Tanguy Laffont, un jeune Lourdais, emporté en 2013 par une tumeur au cerveau. Certains se souviendront peut-être d’avoir découvert son témoignage dans l’émission « Sept à Huit ». Tanguy était le meilleur ami de ma fille. C’était un jeune homme radieux, passionné par la danse et par la photo, plein d’amour pour les siens. Il a lutté contre la maladie avec beaucoup de courage, et nous étions saisis par cette force qu’il avait en lui, cet amour de la vie, cette générosité de cœur. Je me souviens en particulier d’un moment fort vécu à ses côtés, avec sa maman, ma fille, et moi-même… Il s’agit d’une journée passée au Sanctuaire ; nous l’avons accompagné jusqu’à la Grotte où il s’est recueilli devant la Vierge ; il a pu aussi se baigner ce jour-là aux piscines. Je me souviens lui avoir confié un morceau du rocher de la Grotte, que j’avais reçu après que des travaux aient été réalisés sur le site. Il l’avait gardé avec lui, l’emportant avec lui lors de ses séjours à l’hôpital. C’était une manière de lui dire notre communion de prières, notre amour et notre présence à ses côtés. Nous ne l’oublierons jamais, et comme je le fais avec d’autres personnes qui sont dans mon cœur, j’ai placé sa photo dans mon bureau, autour d’une image de la Vierge de Lourdes, pour qu’elle les garde sous sa protection.

Pour traduire ce que l’on vit au pied de Marie, on pourrait prendre l’image de ce match de rugby qui, en 2009, a rassemblé des athlètes sur fauteuil roulant. Ils étaient handicapés, mais grâce au sport, ils parvenaient à se surpasser. Tirer une force de son handicap est admirable, et c’est cela que l’on retrouve à Lourdes ; les malades nous donnent des leçons de vie. A travers leur témoignage, ils donnent à ceux qui les accueillent et les accompagnent du cœur à l’ouvrage et du cœur tout court.

Nous sommes tous au même niveau. A Lourdes, on est vrai. On ne joue pas la comédie. Nous sommes liés les uns aux autres, et dans mon cœur, prévaut le souci d’accueillir chacun tel qu’il est, sans jamais hiérarchiser ni cataloguer, mais en étant toujours ouverte et disponible. Pour moi, Lourdes n’est rien d’autre qu’un point de rencontre, à l’image de ce que l’on peut voir dans un chapelet. Il y a la croix, et autour de cette croix, une chaîne, où nous sommes représentés, de façon personnelle, et toujours reliés les uns aux autres. A Lourdes, les gens viennent vivre une démarche ; mais après ils vont repartir chez eux, en mission, et déverser ailleurs ce qu’ils ont puisé au pied du Rocher. C’est important de savoir être à l’écoute des autres, et je crois aussi que le bonheur est lié à la liberté que nous devons employer pour devenir nous-mêmes. Les témoignages des autres m’enrichissent : croyants ou non-croyants, nous sommes tous ensemble pour grandir en humanité.

Quand je relis mon parcours, je me dis que quelqu’un a tiré les ficelles et m’a conduit là où je devais aller. Nul ne peut comprendre, sans l’expérimenter par lui-même, ce qui se vit au Sanctuaire, et en particulier à l’Accueil Notre-Dame. Lourdes est ce lieu où l’on vient puiser à la source, partir en mission pour vivre et rayonner de l’amour pour toute l’humanité. »

Propos recueillis par Béatrice Rouquet.

Photos : Eric Bielle

Merci chère Véronique pour ton témoignage .Il est le reflet de Lourdes et tu expliques très bien ce qu’est Lourdes et surtout ce qu’il s’y vit. Combien de fois j’ai remercié Dieu de m’avoir fait naître ici. Lourdes est une ville de fraternité et ce qui en fait sa richesse, c’est la rencontre de tous ces gens de nationalités différentes, de couleurs différentes, d’âges différents et même, parfois, de religions différentes.
Nous devons aimer notre ville et la défendre. Tant de gens nous envient d’y habiter alors sachons en profiter ; et puis, elle est, au milieu des Pyrénées, l’une des plus belles régions au monde .

Marie-Claude Aïzpurua, Présidente de Lourdes Cancer Espérance

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