Recteur des Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes à deux reprises, dans les années 70 puis 90, le Père Michel de Roton vient de rejoindre la Maison du Père. C’était un homme pétri par la Parole de Dieu, dont l’humilité se manifestait par l’attention qu’il témoignait aux autres, avec le souci que la rencontre puisse avoir lieu, et soit toujours portée par l’espérance. Nous avions fait sa connaissance en découvrant son ouvrage paru à NDL Editions : « Simples regards sur Bernadette et le message de Lourdes. » Que de richesse et de beauté ne trouve-t-on pas dans ce livre ! Y sont rassemblés des articles parus dans le Journal de la Grotte et Lourdes Magazine, qui témoignent de la délicatesse du Père de Roton.
Très accessible, l’ouvrage est à l’image de son auteur : exigence et rigueur dans la fidélité au message, intelligence d’un homme de foi, qui a su retransmettre la profondeur du chemin accompli par Bernadette, sous le regard de Marie. Avec un grand respect pour Bernadette, le Père de Roton n’a cessé de témoigné de la façon dont, dans les joies comme dans les épreuves, elle a révélé une âme sainte et pure, accueillant chaque jour dans un esprit de service, d’amour et de charité.
Avec des mots choisis, le Père de Roton l’a ainsi magnifiquement exprimé… Relisons ce passage où il parle de la façon dont Bernadette avait uni sa vie à celle du Christ : « Sans se plaindre, elle apprend à « accepter la maladie comme une caresse ». (…) Elle comprend qu’elle doit vivre à fond le Message de Lourdes, en esprit d’offrande « pour les pécheurs, pour le gros pécheur. » Elle entre de plus en plus dans l’esprit d’amour de la Rédemption et fait par vertu de son état de malade « son emploi » en union avec le Christ sauveur. « J’aurai toujours assez de santé, mais jamais assez d’amour pour Notre-Seigneur ; je ne vivrai pas un instant que je ne le passe en aimant », « tout souffrir en silence pour plaire à Jésus, c’est aimer ». De son lit entouré de rideaux, elle fait sa « chapelle blanche » et s’unit, dans ses insomnies notamment, aux messes qui sont célébrées dans le monde entier. Finalement elle ne garde que le crucifix, plus heureuse avec lui qu’une reine sur son trône et rédige un « Acte d’amour parfait pour l’acceptation générale de toutes les Croix. » Et couronnant le tout, la pensée du ciel se fait de plus en plus présente, cet « autre monde où Marie lui a promis le bonheur » : « Tout cela est bon pour le ciel… Un jour, nous ne souffrirons plus, nous irons vers le ciel… Au ciel, je n’oublierai personne. »
Le livre propose de parcourir les chemins vers le vrai bonheur : celui de l’autre mondepour qui fait place à la grâce divine et qui a un cœur d’enfant. Le Père de Roton le soulignait en ces termes : « Laissez-vous attirer par ce qui est simple », nous dit saint Paul (Romains 12, 16). Alors nous sera accordée cette grâce d’être de ces personnes avec lesquelles tout est toujours facile… Oublieuses d’elles-mêmes, on dirait que leur moi n’existe pas, car elles trouvent leur joie à faire le bonheur des autres. »
Le Père de Roton rappelait volontiers ce que Marie est venue nous dire à Lourdes, et la façon dont l’Esprit Saint travaille dans le cœur de chacun, pour le bien de tous : « Tel est le travail de l’Esprit Saint dans les âmes qu’il habite. A partir de nos pourquoi, peu à peu, il nous décentre de nous-mêmes, en nous retournant vers Jésus et vers nos frères. A ce lent travail de conversion opéré par l’Esprit, à Lourdes comme à Cana, Marie est associée qui invite à la « pénitence » et à « prier pour les pécheurs ». A Lourdes, nous en sommes bien souvent les témoins émerveillés, dans la joie et l’action de grâce.»
Le Père de Roton témoignait de la façon dont Bernadette a fait du Ciel « un horizon de vie » en nous invitant à en faire de même : « Jésus nous dit dans l’Evangile : ‘Je pars vous préparer une place ; et là où je suis, vous y serez aussi’ (Jean 14,3). Que cette promesse éclaire notre vie et ses choix, que la clarté du Ciel demeure cet horizon vers lequel Bernadette nous entraîne et que l’Eucharistie soit ce pain d’éternité qui nous soutient tout au long du chemin ».
Après avoir découvert son beau livre, nous avions rencontré le Père Michel de Roton au printemps 2012 afin de préparer un article pour la revue de Lourdes Cancer Espérance. Accueillant, disponible, sensible, il nous avait ouvert son cœur, pour évoquer son parcours, et nous avions aussi parlé du message de Lourdes. Il nous avait transmis plusieurs documents, notamment l’un d’entre eux qui portait sur le message missionnaire, invitant chaque chrétien à se saisir de cet appel.
Alors qu’il souffrait de la maladie de Parkinson, il était très digne, et dans son regard, on percevait une force intérieure qui se disait aussi dans une vraie humilité, et un amour pour le Seigneur auquel il unissait sa vie. Sans doute, son maître mot était-il offrande, et il en témoignait dans l’un de ses textes : « Comme le disait déjà saint Paul : « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable » (Romains 1 2,1). N’est-ce pas ce que nous demandons à chacune de nos Eucharisties « que l’Esprit saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire » (P.E 3). »
Dans l’hommage qu’il lui a rendu, le Père André Cabes, recteur, souligne la profonde humanité de l’abbé de Roton, non sans mettre en lumière ce clin d’œil du Seigneur. Lui qui aimait tant Bernadette s’est éteint un 3 juin, jour-anniversaire où elle a fait da première communion. Le Père de Roton disait : « Avec toi, Bernadette, nous marchons, pèlerins de l’éternel, porteurs de lumière, guidés, habités par la lumière de Dieu, vers la Cité sainte où Dieu sera tout en tous. »
Extrait de l’entretien paru dans la revue de Lourdes Cancer Espérance en juillet 2012 :
« Lourdes est un haut-lieu de la foi »
Dans quelles circonstances votre nomination aux sanctuaires s’est-elle déroulée ?
J’avais été nommé par Mgr Donze, à tout juste 39 ans ; il s’agissait en vérité d’un coup d’audace. A l’époque, la Conférence épiscopale de France venait d’établir de nouveaux statuts pour les sanctuaires de Lourdes. L’évêque de Tarbes et de Lourdes étant voué à se consacrer plus particulièrement à son diocèse, le recteur acquérait « une véritable fonction de gestion, avec le titre de vicaire épiscopal ». Ce statut prévoyait aussi la création de deux conseils, l’un pour la pastorale, l’autre pour les finances. Chacun comportait la présence d’un évêque délégué par l’épiscopat français. Ce statut est resté expérimental durant cinq ans.
Quel était le contexte de l’époque ?
Le Concile Vatican II s’était terminé en 1965. Nous étions en 1971, et le Concile commençait à porter ses fruits. L’Eglise s’ouvrait au monde. Des laïcs de plus en plus nombreux participaient activement à l’apostolat ; les pèlerins affluaient du monde entier. Le Concile avait permis l’emploi des langues vivantes dans la liturgie. Comment faire prier ensemble ces pèlerins de tous horizons ? Lourdes ne devait pas devenir un conservatoire des formes du passé ni innover de façon trop brutale, ce qui aurait désarçonné la plupart des fidèles. Tout un travail de traduction était à faire. Nous avons opté pour six langues « officielles » – français, allemand, anglais, italien, espagnol et néerlandais – et conservé certains chants en latin. La messe internationale du mercredi et du dimanche, sans cesse en évolution, a essayé de répondre à cette question.
Quelle est l’importance du Message de Lourdes ?
Il y a quelques années encore, l’histoire des Apparitions était racontée à la Grotte à l’ouverture des pèlerinages. Cette démarche n’est plus possible aujourd’hui, en raison du nombre très important de pèlerins, mais chacun doit s’approprier le message de conversion transmis par Bernadette : « Allez boire à la source et vous y laver », « Priez pour les pécheurs », « Pénitence, pénitence… » Le Message tient aussi au choix de Marie qui s’est porté sur une fille pauvre et malade. Les chapelains ont travaillé le message à la lumière de l’Evangile et de Vatican II pour répondre aux questions de nos contemporains.
Pourquoi les jeunes sont-ils si touchés par Bernadette ?
A partir de Bernadette, le message passe. Sa famille traversait nombre de difficultés : manque de travail, retard scolaire, épreuve de la maladie… Les jeunes admirent le courage de Bernadette, sa netteté, sa simplicité. Elle était très droite. Elle n’a jamais changé un mot du message, sauf peut-être quand elle a rencontré l’abbé Peyramale : « La dame demande toujours qu’on bâtisse une chapelle…même toute petite ». Bernadette parle à chacun d’entre nous et notamment aux jeunes. Tout ce que nous savons de Lourdes nous vient de Bernadette. Elle a témoigné du message donné par Marie avec grande fidélité. « La meilleure preuve de l’Apparition, c’est Bernadette » soulignait l’abbé Pomian. Après le temps du témoignage vécu à Lourdes est venu celui de la vie cachée à Nevers, où elle s’enfonça dans le silence. « Vous devez être la première à vivre le message », lui dit le Père Douce, son confesseur. A Nevers, « toujours patraque », elle a fait de sa maladie son emploi. Dans la prière, elle a offert ses souffrances pour les pécheurs. C’est là qu’elle est devenue sainte. A Nevers, nous la découvrons en profondeur.
Propos recueillis par Béatrice Rouquet.
Michel de Roton en quelques dates
- 2 février 1932 : sa naissance à Melun (77).
- De 1943 à 1950, ses études à Garaison.
- 21 juin 1957, ordonné prêtre en la basilique de l’Immaculée Conception à Lourdes.
- De 1957 à 1959, études de théologie au séminaire français de Rome.
- De 1959 à 1961, à Tarbes, vicaire à la paroisse Saint-Jean (65) puis aumônier de l’enseignement technique.
- De 1961 à 1967, professeur de théologie au Grand Séminaire de Dax (40).
- De 1967 à 1971, aumônier du lycée Marie Curie de Tarbes.
- De 1971 à 1977, recteur du Sanctuaire de Lourdes.
- En 1977 à 1983, curé de la paroisse Sainte-Bernadette de Tarbes.
- De 1983 à 1993, responsable du service diocésain de pastorale catéchétique.
- De 1991 à 1993, responsable de l’accompagnement des séminaristes.
- De 1993 à 1998, une seconde fois recteur du Sanctuaire de Lourdes.
- En 1998, se retire à la maison diocésaine Saint-Paul, à Tarbes.
- De 2000 à 2013, délégué épiscopal au diaconat permanent.
- Septembre 2012, rejoint la maison de retraite Saint-Frai, à Tarbes.
(source : site Internet du sanctuaire Notre-Dame de Lourdes)