Le Père René Laurentin et la fidélité de Bernadette Soubirous à la Vierge Marie
A la veille de ses cent ans, l’abbé René Laurentin est décédé le 10 septembre 2017. Au moment du centenaire des apparitions, à la demande de Mgr Théas, évêque de Tarbes et de Lourdes, il avait été chargé de confronter les documents d’archives pour que, dans une étude précise et méthodique, soit mis au jour ce qui s’était passé en 1858 à la Grotte de Massabielle. Un travail colossal qui l’a conduit à faire connaître en profondeur le message que la Vierge Marie a donné à Bernadette, avec le souci de témoigner comment cette dernière voulait être « comme tout le monde », ne cherchant pas à attirer l’attention sur elle. Son cœur lui disait d’être attentive à toujours glorifier la Vierge Marie. Les mots qu’elle a prononcés un jour l’attestent : «Je suis le balai dont la Vierge s’est servie. Qu’est-ce qu’on fait d’un balai quand on a fini de s’en servir ? On le met derrière la porte. C’est ma place, j’y suis bien. » Soucieuse de répondre au dessein que Dieu avait sur elle, elle cultivait le souhait « de vivre la vie cachée en Jésus Christ ».
Désireux que ses ouvrages soient marqués par le sceau de l’authenticité, l’abbé Laurentin n’a négligé aucun document, s’accordant avec Mgr Théas pour dire que « Lourdes n’a besoin que de vérité. » Ses ouvrages permettent d’approcher la « vraie Bernadette », comme il le confiait dans ses Mémoires, avec le désir de discerner, dans les travaux antérieurs, ce qui était certain ou pas, mais aussi d’éditer « des paroles reprises par des témoins, puis ses paroles quotidiennes dans son couvent de Nevers. »
Dans « Bernadette vous parle », l’abbé Laurentin a ainsi amené les lecteurs à découvrir la vie de Bernadette par ses paroles, témoignant comment son secret était en définitive sa simplicité même. Entre autres exemples, on pourrait se souvenir de la discussion que Bernadette avait eue à Nevers avec sœur Aurélie et que l’abbé Laurentin a retranscrite. Elle voulait que l’on n’oublie pas de prier pour elle, se sachant « pauvre pécheresse » devant un Dieu qui n’est qu’Amour, elle qui savait « qu’elle avait beaucoup reçu ».
Bernadette se savait appelée et aimée, et par sa vie de foi et de charité, s’employait à toujours plaire au Seigneur, dans l’esprit d’offrande et de service. Comme tous les enfants de Dieu, elle savait qu’elle avait besoin de prières, et que nous sommes solidaires dans la communion des saints.
Elle ne voulait pas qu’on la mette au-dessus des autres, elle connaissait le don du Seigneur, Lui qui nous aime au point d’avoir voulu nous rejoindre dans nos souffrances et jusque dans la mort. Dans sa miséricorde, Il ne nous aime pas pour nos mérites mais parce qu’Il est Père. « – Quand je serai morte, on dira : Elle a vu la sainte Vierge, c’est une sainte, et pendant ce temps-là, je grillerai au purgatoire. » Bernadette qui, toujours, voulait rester unie au Christ sauveur, dans un esprit de foi et de prière ; elle n’aspirait à aucune ambition personnelle et dans la congrégation des sœurs de la charité de Nevers, elle a voulu se mettre au service des autres, comme soignante, mais, de condition fragile, elle a revêtu l’emploi de la prière et de malade. Elle aimait à dire : « J’aurai toujours assez de santé, mais jamais assez d’amour pour notre Seigneur. » Bernadette savait reconnaître que tout est dans la main de Dieu. Elle s’est mise à la suite du Seigneur, saisie par la confiance qu’Il avait en elle et qu’Il donne à chacun de nous.
Dans ses Mémoires, « chemin vers la Lumière », aux éditions Fayard, l’abbé Laurentin expliquait comment « il y a des gens simples, sans formation historique ni littéraire, qui ne se trompent pas sur le sens de la Bible, si imprécise que soit leur connaissance du texte et du milieu. Ainsi les jeunes Francisco et Lucie ont-ils perçu en Dieu le secret de Fatima qui leur faisait pénétrer l’enfer et l’avenir du monde. Ils ont tout compris au-delà des images et des mots : – Et la lumière, c’était Dieu, ont-ils dit indépendamment. Sans concertation aucune, ils ont employé ces mêmes mots. »
La fidélité de Bernadette à la Vierge était lumière, et l’abbé Laurentin s’est tenu à témoigner rigoureusement du « tempérament clair et fort de cette petite fille bigourdane, sur ses réparties à la Jeanne d’Arc, sa sainteté. » L’abbé Laurentin expliquait encore que « la pénétration de l’événement, par référence à l’Evangile, a révélé des dimensions méconnues de Lourdes, et principalement la pauvreté, message en actes. »
Le théologien écrivait dans ses Mémoires que « la Vierge anticipe la vie de Bernadette chez qui une sainteté profonde, précédant le catéchisme, illustre les maximes de l’Evangile.(…) L’amour rassemble tout et malgré tout dans une mystérieuse égalité : le plus grand est au service du plus petit. L’amour seul peut tout rassembler. »
Dans son autobiographie, l’abbé Laurentin a confié comment « Lourdes ramène simplement aux prolégomènes de l’Evangile : la prédication de Jean Baptiste – prière, pénitence au sens fort de conversion, ainsi que le perçoivent encore les confesseurs de pèlerinage. » Il témoignait de la même manière que les révélations ultérieures « ne sont qu’une actualisation prophétique de l’unique Révélation dans des temps et des lieux particuliers. Elles ont pour fonction de rappeler l’Evangile à nos oreilles de sourds ».
Dans l’un des chapitres de « Bernadette vous parle », l’abbé Laurentin relate comment, dans une lettre du 6 avril 1869, découverte par Dom Bernard Billet, Bernadette écrivait : « Demandez ma conversion au bon Dieu et à la très sainte Vierge ». Ce mot de « conversion », elle l’employait peu. Mais l’abbé Laurentin témoignait alors que « pour Bernadette, pénitence et conversion, ce sont des réalités, plus que des formules. Elle vit, elle intériorise le message ; elle ne l’explicite pas, elle ne l’objective qu’exceptionnellement. »
En rendant hommage au Père Laurentin, le Père André Cabes, recteur du Sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes, a remercié « ce grand ouvrier de Lourdes, de Marie et de l’Eglise ». Les travaux qu’il a conduits, avec honnêteté et rigueur, ont vocation à témoigner éternellement de la source qui chantait en Bernadette, et qui coule à Lourdes.
Dans ses Mémoires, il citait encore la phrase de l’évangile selon saint Jean : « Qui fait la vérité, vient à la lumière. » Cette vérité, qui est chemin, qui est vie et que les pèlerins de tout horizon découvrent dans les nombreux ouvrages que le Père Laurentin a laissés, au service du message de Lourdes, et dans la fidélité à Bernadette.
Béatrice Rouquet