En 2010, alors qu’elle était en pleine récidive d’un cancer, Brigitte Grandou a participé au pèlerinage LCE pour la première fois. Si, déjà, elle se rendait régulièrement à Lourdes, comme responsable du catéchuménat, elle partageait aussi sa foi, dans le cadre de l’association « Mères de miséricorde », pour soutenir les femmes qui ont perdu un enfant in utero, en raison d’un avortement, d’une fausse couche ou d’une grossesse extra-utérine. Très investie dans la vie de l’église, elle s’est engagée dans son département et a fondé la délégation LCE des Alpes-Maritimes et du Var. Brigitte Grandou porte la conviction que pour témoigner de sa foi, il faut être en mesure de répondre à ceux qui, loin de l’Eglise, se posent des questions et attendent un éclairage. Outre la lecture de la Bible, elle recommande à chacun de se procurer le catéchisme de l’église catholique, que le Pape Jean-Paul II a remis au goût du jour. Dans son cœur, il est une lumière : Dieu aime chacun de nous d’un amour infini. A nous de lui répondre « oui », comme dans la parabole des talents. « Celui qui a su faire fructifier les talents qu’il a reçus en recevra d’autres ; dans le cas contraire, le mauvais serviteur sera renvoyé par le maître et on lui enlèvera même ce qu’il a. A bien y regarder, cette parabole nous montre que la racine, c’est l’amour, le don de soi qui se traduit en gestes concrets : Jésus nous montre le chemin pour apprendre à aimer. Nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous sommes faits pour être en union avec Dieu. Et nous ne pouvons pas être heureux sans lui », explique-t-elle
Entretien avec Brigitte Grandou :
Le Pape François s’exprimait ainsi il y a quelques années : « On ne peut être chrétien à temps partiel, suivant le moment, la circonstance ou le choix. On est chrétien à temps complet. La vérité du Christ qu’est l’Esprit Saint nous guide et nous alimente, de manière à imprégner totalement notre quotidien. Il faut donc l’invoquer plus souvent, afin qu’il nous guide dans la voie des disciples du Christ. » Qu’évoque pour vous cette réflexion ?
Je souscris pleinement aux mots du Pape, car si l’on se dit chrétien, on doit s’efforcer de l’être à 100%. Ce qui nous empêche de l’être, c’est le péché, c’est-à-dire quand l’on s’égare en oubliant d’ajuster notre vie à la loi d’amour, et en restant autocentré. Dieu a un dessein sur chacun de nous, et il nous revient de discerner sa volonté pour faire croître en nous la vie divine. On n’avance pas tous à la même vitesse, et on y consent plus ou moins rapidement. Méditons le Fiat de Marie : elle était la servante du Seigneur et a dit un oui, sans condition, qui s’est renouvelé à chaque instant de sa vie. Que l’on soit engagé dans la vie religieuse ou dans le mariage, il faut marcher dans les pas de Marie, qui nous précède dans le Royaume, et renoncer au péché. Les saints sont ceux qui font leur la volonté de Dieu. Dès lors que l’on s’éloigne du Christ, on s’éloigne du bonheur.
Vous dites que la prière a une place centrale…
Pendant douze ans, j’ai accompagné les catéchumènes. J’ai souvent insisté sur ces gestes qui sont à notre portée, comme l’écoute de la Parole et la prière : dix minutes de cœur à cœur quotidien avec le Seigneur sont un point de départ. Il ne faut pas viser grand tout de suite. Il faut persévérer chaque jour même si on a l’impression d’être sec dans la prière. Thérèse de Lisieux disait que l’oraison, c’est être en conversation avec Dieu. Il y a autant de façons de prier que de personnes. Il y a plusieurs types d’âmes. Mais l’important, c’est de se tenir devant Dieu. Quand on se met sous son regard, on saisit la manière dont Il nous aime : du même amour fou qu’Il aime son Fils. La Vierge Marie a aussi la capacité d’aimer comme Dieu aime. Nous sommes limités, mais il nous revient de progresser, d’avancer, de désirer changer en mieux.
Comme accompagnatrice au catéchuménat, quelles valeurs avez-vous souhaité transmettre ?
La transmission passe par l’envie de témoigner : par la parole, par les gestes. Il faut les deux, sinon on n’est pas crédible. Il nous faut rendre compte de l’espérance qui nous habite et nous positionner. Cela demande de se former. Des papes comme Jean-Paul Il et Benoît XVI ont montré l’intelligence de la foi. Jean-Paul II a remis au goût du jour le catéchisme de l’Eglise catholique. Tout chrétien devrait avoir cet ouvrage chez lui. Il y a aussi de bons livres de théologie ou de spiritualité. Etre formé, c’est pouvoir répondre aux questions qui nous sont posées quant au positionnement de l’Eglise sur tel ou tel sujet. Il y a des agnostiques qui ne rejettent pas d’emblée l’Eglise, mais qui s’interrogent : à nous de leur ouvrir des pistes en les orientant vers l’auteur adéquat qui peut donner des réponses. La foi est éminemment intelligente. On ne peut pas en rester à la foi du charbonnier. Ce n’est pas ainsi que l’on va convertir le monde dans lequel on vit. Les catéchumènes viennent à l’Eglise avec de vraies questions. C’est bon de creuser notre foi, et de voir comment tout cela se tient.
« Dès lors que l’on essaie de marcher à la suite de Jésus, Dieu pourvoie à tout », dites-vous…
L’Esprit saint nous porte si on est dans la vérité. On ne peut pas avancer dans le mensonge. Jésus n’a pas la même approche selon les personnes qu’il rencontre. On en revient au désir. Quel désir ai-je de Dieu ? Chaque jour, il faut faire un pas : demander pardon, recevoir le sacrement de réconciliation. Dieu ne se lasse jamais de pardonner. Pour nous sauver, Il a pris la dernière place. On ne peut pas payer notre dette. Quand bien même on essaierait de retranscrire notre dette en argent d’aujourd’hui, on ne pourrait pas payer. Jésus a payé toutes les dettes pour nous, par amour. Il faut se le répéter souvent pour que cela entre dans nos cœurs de pierre. Dieu a un amour immense pour chacun de nous.
Qu’évoque pour vous le thème de la consolation, à la lueur de cette phrase : « heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés… »
Une autre citation me vient en tête : « Il essuiera toutes les larmes de leurs yeux… » Un jour, il n’y aura plus de pleurs. C’est une grande espérance. Tous ceux qui ont souffert sur la Terre seront consolés. Aucune larme n’est perdue. Récemment, nous avons vécu un pèlerinage dans les pas de Marie-Madeleine à Saint-Maximin. Le prêtre qui nous accompagnait nous a fait remarquer que, dans les Evangiles, Marie-Madeleine pleure trois fois. Une première fois, elle pleure sur elle-même, sur ses péchés. Une deuxième fois, avec sa sœur Marthe, elle pleure son frère Lazare, et leur souffrance atteint le cœur de Jésus. Une troisième fois, elle pleure quand elle perd Jésus devant le tombeau vide. Ces trois types de pleurs génèrent des larmes rédemptrices. Ces larmes-là nous les retrouverons au ciel, avec tout le poids qu’elles auront porté comme on arrose une plante. Les vrais pleurs ne sont pas perdus. Nous serons consolés à la hauteur de ce que nous aurons offert ; aussi notre souffrance n’a de valeur rédemptrice que dans la mesure où nous ne nous replions pas sur nous-mêmes et que nous ne nous révoltons pas contre Dieu. Cela serait stérile. Si au contraire, nous sommes dans l’abandon, dans la confiance, alors cela portera du fruit. La consolation va de pair avec la vertu d’espérance. J’ajouterais encore une autre citation de saint Paul : « Pleurez avec ceux qui pleurent. » Il nous faut porter la croix les uns des autres. Consoler se rapporte ainsi à l’espérance et à la charité.
Comment comprendre cette parole de Jésus : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »
Un jour, des amis agriculteurs m’ont expliqué cette image. Quand on attache deux bœufs avec un joug, il y en a toujours un des deux qui tire plus que l’autre. C’est la même chose pour un attelage de chevaux ou pour celui de chiens de traîneaux. De la même manière, quand on fait un tandem à vélo, même s’il y en a un qui pédale plus que l’autre, cela fonctionne. Aussi, dans cette parole d’Evangile, on voit que Jésus veut prendre la partie la plus lourde. Aux personnes éprouvées, on dit : « vous n’êtes pas seules, Jésus est là. » Mais si elles n’abandonnent pas le fardeau, rien ne va se passer. Aussi Jésus demande : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Il faut poser d’abord un acte de foi. Si on n’y croit pas, rien ne va se passer. Jésus n’est pas un magicien. A chacun de nous, il revient de dire : « Jésus, je t’aime. » Il faut toujours poser un acte de foi, même timide, et alors on pourra déplacer des montagnes. Mais rien n’est acquis. Si on n’entretient pas sa foi, on la perd. C’est comme l’amour. Il n’y a pas de recette toute faite pour qu’un couple dure, il est nécessaire que les croix traversées le soient ensemble. S’il n’y a pas le pardon mutuel, ça ne peut pas tenir. Au quotidien, c’est se redire oui. Quand on s’est mariés à l’Eglise, on s’est unis dans le Seigneur. Dieu est là. Dans le mariage, en ne faisant qu’une seule chair, chacun est responsable du salut de l’autre. Dieu ne nous abandonne jamais. On en revient à la confiance, c’est la clé.
Vous dites que tous les jours, il faut poser des actes de foi…
C’est comme une plante qui grandit : on sème, on arrose. Après, la plante grandit mais nous n’en sommes pas maîtres. La présence de Dieu est invisible. Le quotidien est transfiguré. La foi s’entretient d’abord par la vie sacramentelle. Quand on reçoit la communion, on peut demander à Jésus de transformer notre cœur de pierre en cœur de chair. Quand on dit : je suis croyant mais pas pratiquant, c’est presque contradictoire. Il n’y a pas d’amour qui ne se traduise pas par des gestes concrets. Une mère de famille se lève la nuit, quoi que cela lui coûte. Elle le fait pour son enfant car elle l’aime. Un couple se manifeste son amour par des attentions. L’amour a des exigences, c’est sérieux. Dire que Dieu existe et ne rien faire pour le connaître et l’aimer, cela sonne faux. On sait que les démons ont la foi, ils croient en Dieu mais ils le combattent. La plupart des gens sont plutôt agnostiques. Ils ne se posent pas de questions, ils croient plutôt en la société de consommation. Par contre, il peut y avoir des personnes non-croyantes qui ont une charité exemplaire. Comme chrétiens, nous connaissons le visage de la charité : c’est Dieu lui-même qui est le chemin, la vérité et la vie. Tout homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il est dans notre cœur une loi naturelle qui nous dit le chemin à suivre. Par contre, une personne croyante qui ne pratique pas la charité, c’est bien plus grave. Je crois que la participation à la messe est le premier moyen d’entretenir sa foi ; ensuite, il faut prier chaque jour. La rencontre de Dieu se fait dans l’écoute de sa Parole. On peut lire au moins les textes de la messe de chaque jour. Si on donne un peu à Dieu, Il donne beaucoup. L’engagement, c’est deux parties. Dieu sera toujours fidèle. Si moi je me détourne de Jésus, il respectera mes choix mais restera toujours fidèle. Quand on voit le témoignage des moines et des moniales qui choisissent de vivre en communauté, entre quatre murs, toute leur vie, on comprend que cela n’est pas possible sans la grâce de Dieu. Il n’y a l’équivalent dans aucune autre religion. Je me souviens d’une sœur qui disait : « On fait corps ». Puisse tous les membres du corps cheminer ensemble et être en harmonie !
Propos recueillis par Béatrice Rouquet
6 Responses
Magnifique témoignage Brigitte. Tu donnes des pistes à suivre pleines de sagesse d’expérience et fruit d’une foi vivante. Plus que jamais l’église, dont nous sommes les pierres vivantes, à besoin de témoins qui sachent prendre leur bâton de pèlerin. Allons vers ceux qui ne connaissent pas la joie d’être aimé de Dieu. Ouvrons nos portes. L’église c’est notre responsabilité.
Merci Hélène pour ton commentaire. Nous avons la joie de nous savoir aimés de Dieu à la folie. Puissions-nous en témoigner autour de nous!
Tout simplement, BRAVO!
Bravo Brigitte pour ce témoignage si profond d’une foi « chevillée au corps! »
Bravo Béatrice pour l’avoir recueilli! l’Esprit Saint vous a guidé vers la personne que vous cherchiez!
A partager sans modération!
MERCI! MERCI! MERCI!
En union de prière avec l’ensemble des délégations!
Bien amicalement à toutes les 2,
Madeleine
Déléguée 18/36
Merci Madeleine pour ces encouragements! Que le Seigneur te bénisse!
Merci Brigitte pour ce magnifique témoignage de foi et d’espérance…Quand on se sent seule au milieu des autres, la prière d’abandon (Charles de Foucauld) est un grand réconfort. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Ce n’est pas Jesus qui me pose la question, c’est moi qui lui demande : « qu’attends-tu de moi ? » …et la réponse tarde à venir…Merci d’être avec nous Brigitte.
Merci Brigitte. Tu as raison, la prière d’abandon nous jette toujours dans les bras de Dieu où l’attente n’est jamais trop longue